Yona Friedman « La Ville spatiale »
Le principe de la ville spatiale, dit Friedman, est celui de la multiplication de la surface originale de la ville à l'aide de plans surélevés. La différence, qui distingue cette multiplication de celle de la ville ordinaire, tient au fait que la multiplication de la surface ne se passe pas par points ou zones isolés (comme à Manhattan ou dans la Ville radieuse), mais couvre entièrement la surface totale de la ville en plusieurs niveaux.
"L'application la plus importante du principe est celle de l'urbanisation par la hauteur : c'est ainsi qu'on réserve les surfaces surélevées pour les activités purement humaines ou biologiques (habitation, vie publique, amusements, circulation des piétons) et qu'on utilise les surfaces inférieures pour les services divers (circulation mécanique, magasinage, production, alimentation et évacuation).
"Afin de visualiser l'organisation d'une ville spatiale, nous pouvons dire que tous les services actuellement souterrains ou périphériques sont remontés à la surface du sol; par contre, la plus grande partie de la ville "réelle" habitée est contenue dans la nappe de construction tridimensionnelle surélevée sur pilotis."
Passant de la théorie à la pratique, Friedman a étudié plusieurs solutions de villes spatiales : pour Tunis et Abidjan (en collaborationavec l'architecte Aujame), pour Paris (en collaboration avec les architectes Herbé et Préveral), pour New York. L'essentiel du projet pour Paris consiste en la construction de nouveaux quartiers au-dessus de la ville existante de manière à ce que les constructions n'entraînent pas des destructions trop importantes. Ce Paris spatial, qui s'ajouterait au Paris actuel, non pas en banlieue, mais aux portes du Paris administratif, pourrait loger 150 % de Parisiens supplémentaires. Par ailleurs, ce Paris spatial pourrait permettre la création de voies de circulation à grandes vitesses en laissant le sol des rues anciennes aux piétons, et d'ajouter de nouvelles sorties à la ville au-dessus des voies ferrées.
". En étudiant la ville de New York, Friedman s'est aperçu que, malgré de spectaculaires gratte-ciel, le sol de la cité était peu utilisé et que, si l'on répartissait les constructions pour établir une moyenne, on s'apercevrait que Manhattan n'utilise qu'une valeur équivalente à six étages couvrant le sol d'une manière continue. En construisant un quartier spatial au-dessus des docks de l'Hudson River et de l'East River, terrains faiblement utilisés dans le coeur de la ville, sur onze niveaux seulement, l'on arriverait, en formant des loft-spaces, bureaux, parkings et niveaux à usage commercial, à une exploitation plus avantageuse du sol et à une circulation sans embouteillage de deux cents fois plus de voitures. Le coût d'une telle construction pourrait se chiffrer autour des prix habituels pour les immeubles de dix à douze étages. Ce problème du coût de la construction est important, car c'est une objection que l'on fait souvent aux architectes prospectifs que la non-rentabilité de leurs projets. Or, une équipe d'étudiants américains, qui travailla sur les thèses de Friedman au Carnegie Institute of Technology de Pittsburgh, a publié en mai 1965 un rapport financier qui prouve que le "système Friedman" reviendrait environ 2,2 fois moins cher qu'une infrastructure habituelle en béton.
Prospective et futurologie Michel Ragon
lien internet Source : l-avenirestanous.com