Il est étonnant de voir comment les tendances évoluent vite en web design, et comment les modèles autrefois adulés se voient décrier du jour au lendemain. Avant, c’était la mode du skeuomorphisme choisie par Apple, aujourd’hui le monde du web ne parle que du flat design, cette esthétique démocratisée par Google, que beaucoup présentent comme la tendance majeure de 2013. On le sait, une tendance est par définition éphémère, pourtant il semblerait que le flat pose les bases d’un graphisme qui est là pour durer. Certainement grâce à sa plus grande force, sa simplicité, alors, le flat, durable ou éphémère ?
Rappel : définition du flat design
Le flat design est un style graphique associé au design de sites internet, c’est un sous-genre du courant minimaliste. Il se caractérise par des formes simples, sans textures, ni effets de volumes. Les couleurs, souvent vives sont utilisées en aplats. Certains éléments récurrents sont caractéristiques à cette tendance comme les icônes dessinées sous forme synthétique et l’utilisation de polices de caractères non standards, notamment dans les titrages, qui peuvent être de taille importante. Si le style flat fait beaucoup parler de lui en ce moment, il n’en reste pas moins que le graphisme épuré et minimaliste en web design n’est pas nouveau, dans ce cas pourquoi une telle popularité actuellement ?
Le rejet du skeuomorphisme d’Apple
Pendant longtemps, en terme de design informatique, Apple a fait figure de leader. Le design de ses produits, de son système d’exploitation et de ses logiciels étaient considérés par beaucoup comme des exemples à suivre. Le style Apple, on peut le résumer par des lignes épurées associées à des interfaces très intuitives et user friendly. Pour Apple, user friendly signifie représenter des interfaces rassurantes qui imitent la matérialité des objets réels. Ça donne des fonds simulant la texture du cuir, de la moquette ou du bois, des boutons qui ressemblent à des interrupteurs, des sons qui évoquent le décollage d’un avion à réaction lorsque l’on envoie des e-mails. Cette façon d’aborder le design a un nom, c’est le skeuomorphisme.
Le skeuomorphisme caractérise un élément de design d’une technologie nouvelle qui s’inspire d’un élément d’une technologie plus ancienne. Le design d’Apple est donc skeuomorphiste. En tant qu’entreprise très observée par les designers, on peut penser qu’Apple a inspiré l’esthétique du web pendant des années. Les design présentés sur des sites comme Dribbble en sont une bonne représentation. Mais aujourd’hui le skeuomorphisme d’Apple n’est plus le modèle à suivre. Et on peut au moins trouver deux raisons à cela. L’essor des sites adaptatifs (le responsive web design) et les refontes 2012 de Google et Windows.
Le responsive web design
Le responsive web design ou site adaptatif, qui permet d’adapter un site à la taille d’un écran, rentre de plus en plus dans les habitudes de conception web. Beaucoup de designers intègrent même cette fonctionnalité par défaut dans tout leur site, considérant, à raison, qu’il s’agit d’un devoir d’accessibilité. Les contraintes du responsive imposent des éléments graphiques permettant une certaine souplesse d’utilisation, pour pouvoir facilement les modifier selon la taille de l’écran, sans alourdir le site. Ce qui veut dire que les composants vectoriels sont préférés aux images bitmap, plus rigides. Et pour ce genre d’image, le flat design est très approprié. Le flat a l’air donc bien parti pour s’attirer les faveurs des développeurs allergiques aux images complexes, issues des esprits torturées des designers ! Un bon exemple qui montre que design et développement peuvent faire bon ménage !
Windows 8 et le redesign de Google
En 2012, Google présenta la nouvelle interface de ses services en ligne, qui fut plutôt bien accueilli par les internautes. Puis ce fut au tour de Microsoft d’innover en lançant une toute nouvelle interface pour la version 2012 de son système d’exploitation : Windows 8. Le point commun de ces deux refontes est qu’elles posaient les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le flat design. Le choix des designers de ces sociétés étaient clairement centré sur le contenu, le graphisme se voulait très épuré et en retrait. Grâce à leur envergure, les deux mastodontes du web répandirent leur nouveau design sur des centaines de millions d’utilisateurs, en à peine quelques mois. Il n’a pas fallu longtemps pour que le flat devienne la nouvelle norme esthétique des sites internet. Mais comment savoir si cette tendance ne va disparaître aussi vite qu’elle est apparue ? D’abord un cours rappel sur ce qu’on appelle une tendance.
La tendance est toujours éphémère
Si on prend la définition dans la mode, la tendance est par définition éphémère puisqu’elle correspond aux goûts associés à une époque. La tendance obéit à des cycles qui se succèdent sans cesse. Il est donc inévitable que le flat se démode un jour, comme le skeuomorphisme. Néanmoins, là où le flat se distingue, c’est que cette esthétique particulière est en phase avec des perspectives d’évolution du web, d’ordre technique et stratégiques.
Des sites plus légers
Les bonnes pratiques du web ont toujours préconisé des sites légers pour un affichage rapide des pages. Et l’on peut être au moins sûr d’une chose dans l’avenir, c’est que les gens ne deviendront pas plus patients, surtout pas sur internet. Le dépouillement graphique du flat design lui donne donc un avantage puisqu’il permet de faire des sites moins lourds. Un atout qui lui donne un avantage spécialement sur mobile ou le débit est moindre.
La fin du design bitmap
Un autre point qui tend à faire penser que le flat est là pour durer, ce sont les discours qui annoncent la fin progressive de la création du design sur des logiciels comme Photoshop au profit de la création directement dans le navigateur. Selon ces thèses, nous délaisserions la logique du pixel pour celle de la proposition. Vraiment finie le bitmap ? En tout cas le flat design, permet de réaliser beaucoup d’éléments directement en code, ce qui est pratique quand on veut limiter les images bitmap. De ce fait le flat serait tout a fait adapté a cette évolution possible du webdesign.
Un design simple est intemporel
Une des raisons pour laquelle l’Helvetica est le caractère typographique le plus utilisé dans le monde, après 60 ans d’existence, c’est sa simplicité. C’est ce qui lui donne la capacité de pouvoir s’adapter à un grand nombre de contexte différents et de dépasser les époques. On peut penser que la sobriété du flat lui permettra de se démoder moins vite que la normale, dans une industrie où un site internet se renouvelle en moyenne tous les 2 ans.
Une exécution plus rapide
Ce que je vais dire maintenant va en faire hurler plus d’un. Pourtant, par bien des aspects, il est plus rapide d’exécuter des design en flat qu’en skeuomorphisme. De fait, créer un bouton qui ressemble a un rectangle rose est plus rapide à faire qu’un bouton photoréaliste qui ressemble à un interrupteur lumineux.
Mais que les choses soit bien claires, exécuter un design ce n’est pas la même chose que de le concevoir. La conception prend du temps, tout particulièrement quand on doit rendre les choses simples. Cependant, lorsque l’on aborde un projet alors que la direction artistique est déterminée, la réalisation en flat peut aller vite. La répartition du travail en équipe s’en trouve alors simplifiée dans les agences où la direction artistique et les déclinaisons des pages ne sont pas faites par la même personne. En effet nul besoin d’être la seule personne de la boîte capable de maîtriser les retouches high level du DA pour s’en sortir !
Conclusion
Ce qu’on appelle aujourd’hui, la tendance du flat design, n’est pas l’apparition d’un genre nouveau mais l’adoption et l’appropriation par un groupe majoritaire, d’une esthétique qui existait depuis longtemps et qui a fini par devenir une norme grâce à l’influence de plusieurs facteurs simultanés. Il se pourrait que cette tendance soit durable pour les raisons évoquées plus haut. Néanmoins, l’attirance du flat pourrait amener à une utilisation outrancière et gratuite. Nous pourrions alors retombé dans un phénomène de lassitude à l’égard du flat, à force de voir des sites qui se ressemblent trop. D’autres formes de web design pourraient alors apparaître. Parmi celles-ci on pourra faire l’hypothèses que le flat design évoluera vers de nouvelles sous-catégories, car la force du flat est dans sa rapide assimilation qui permet à chacun de créer son propre flat design. Dans tous les cas une tendance ne s’éteint jamais totalement. Elle retombe juste dans l’ombre. Ce qui veut dire que la prochaine tendance en web design est déjà là, quelque part, certains designer la développe sans le savoir. Elle n’a juste pas encore attiré l’attention. Il suffit qu’un jour arrive le facteur déterminant qui la fera exploser au grand jour. Et alors un nouveau cycle recommencera.
Source : cabaroc.com