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Le train devient autonome

20 Juin 2017, 18:32pm

Publié par Grégory SANT

Le train devient autonome

Les trains sont en réalité déjà pour la plupart automatisé. En milieu urbain du moins, car dès qu’il s’agit de s’aventurer à l’extérieur d’une métropole et sur une longue distance, la conduite humaine reste de mise en raison de sa difficulté : "La conduite autonome est, dans un système de voies ferrées complexe où roulent des trains de voyageurs lents et rapides et des trains de marchandise, plus difficile que pour un métro, mais elle est possible", expliquait Rüdiger Grube le patron de la Deutsche Bahn. Sur ce point Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF, le rejoint : "A priori, c’est faisable, sauf que le train circule en milieu ouvert dont on ne maîtrise pas les événements, une voiture qui tombe sur la voie, des personnes sur les rails, etc. Ce qui distingue les trains automatiques des trains autonomes, c’est que pour les premiers la prise de décision provient de systèmes externes."

 

Le train envoie des données et reçoit des instructions. Là où le train autonome est capable de prendre lui-même les décisions en interne grâce à la mise en perspective de facteurs comme la géolocalisation, l’analyse pointue d’un parcours grâce aux capteurs. Par conséquent l’étape suivante pour passer de l’automatisme à l’autonomie serait de doter le train de caméras et de capteurs embarqués, en plus d’un système GPS : "La notion de train autonome va forcément faire appel à la combinaison de capteurs hyper performants en temps réel pour détecter les obstacles sur la voie, mais aussi au positionnement par satellite, et il se trouve que Thales est le maître d’œuvre de Galileo. Et bien sûr, elle va faire appel à des algorithmes de manière à prendre les décisions en temps réel et au bon moment", a détaillé Patrice Caine.« La prochaine étape sera d’équiper le train de capteurs et de capacités de calcul, comme la voiture Google, afin qu’il puisse prendre lui-même des décisions.»

 

Sur les rails aujourd’hui, on trouve peu d’exemples encore de ces futurs trains-fantômes. En France, un train TER semi-autonome a été testé cette année dans la région de Toulouse. Ce train a notamment la particularité de connaître sa position exacte grâce au système Geofer :

 

« C’est un projet qui va servir de laboratoire au niveau national », poursuit l’ingénieur Frédéric Adragna, chargé des applications spatiales au CNES, à Toulouse. Non, c’est plutôt vers l’étranger qu’il faut tourner son regard pour voir les initiatives fleurir. En Australie par exemple, dans la région de Pilbara, le groupe minier Rio Tinto a été la première multinationale à mettre sur pied un train autonome longue distance, de transport de marchandises (minerais de fer).

Entre performance et sécurité

30% de services supplémentaires

Les enjeux du développement du train autonome reposent sur un double objectif de performance et de sécurité. Être plus compétitif en limitant les retards, en diminuant le poids de la maintenance, en fluidifiant le trafic, et en étendant l’offre, sont les promesses de ces trains. « L'automatisme va optimiser la vitesse de circulation des trains. C'est un peu comme sur une autoroute. La fluidité est plus grande quand tout le monde roule à la vitesse idéale. Le train autonome, c'est la certitude d'avoir plus de débit sur une ligne (…) » A priori, on devrait y parvenir à horizon 2022-2024, comme pour les voitures autonomes. A la clef : davantage de trains pourront circuler sur la même ligne et permettre une meilleure régularité. » pour Guillaume Pepy, Président de SNCF. Il poursuit : « A nous aussi d'utiliser les nouvelles possibilités qu'offre l'Internet industriel. En connectant nos trains, nos gares et notre réseau, nous allons pouvoir passer d'une maintenance curative coûteuse à une maintenance prédictive plus efficace. » Et pour Laurent Fortune, le jeu en vaudrait la chandelle. Responsable de l’automatisation de la ligne 1 et 14 des métros parisiens, il a pu observer une augmentation 30% du service grâce à l’automatisation. Et on pourrait supposer qu’il en serait de même pour les TGV.

 

L’autre avantage des trains autonomes seraient d’être tout aussi sûrs que les métros automatisés. A l’image de Skytrain, le premier métro automatisé à Vancouver dans les années 1980 qui circule depuis bientôt 30 ans sans avoir enregistré d’accidents mortels. Et les trains classiques ne peuvent en dire autant, puisque bien souvent ces accidents de train sont le fait d’une erreur humaine : excès de vitesse, erreur d’aiguillage. Le déraillement du TGV EST en 2015, le plus important qu’ait connu la France depuis 25 ans,  est là pour nous le rappeler. Il était dû au non suivi de la feuille de route initiale…

Skytrain

The10and3.com

Accident train
The10and3.com
Des obstacles sur la voie

16,6Km pour 150 millions d'Euros

Avant que le train autonome n’entre en gare, se dresse sur son chemin des obstacles et non des moindres. A commencer par le coût économique de son installation. Pour rappel, la seule automatisation de la ligne 1 du métro parisien sur une distance courte de 16,6 kilomètres a fait grimper la facture autour de 150 millions d’euros. On peut imaginer la facture démesurée que coûterait l’équipement de 30 000 kilomètres de voie ferrées et plus supposer avec plus de justesse, et imaginer qu’à l’avenir seuls quelques tronçons stratégiques seront automatisés. Le chantier économique n’est pas le seul à entamer.

 

La standardisation des rails entre pays européens sera l’enjeu majeur. Mais il est déjà en marche : “ l'Europe travaille sur les standards qui s’apparentent à ceux du train autonome avec l'ETCS niveau 3. L’Europe, qui s'y intéresse donc fortement, peut constituer un marché tout comme les pays d’Asie ou la Chine“ selon Patrice Caine.  De surcroît, la question de la cybersécurité sera cruciale pour un système ultra-connecté : « Ils se posent tout un tas de questions pour cyber sécuriser leurs systèmes de signalisation, de supervision, de contrôle commande. Je vous laisse imaginer les conséquences potentielles d’une attaque informatique sur ce type de systèmes.»

 

Mais le frein sans doute le plus difficile à lever demeure le frein psychologique et humain : réussir à insuffler au passager la confiance requise. Accepterons-nous de monter dans un train autonome ? A Gare du Nord, l’Atelier BNP Paribas est allé à la rencontre d’une voyageuse régulière, Lucie une étudiante de 22 ans dont voici le témoignage : «Quand je monte dans la ligne 1, je suis tout à fait consciente que le métro est automatisé. Mais je suis réticente à l’idée de me laisser conduire par une intelligence artificielle dans un train à grande vitesse parce que je suis inquiète des conséquences irréversibles que pourraient induire une erreur de calcul ou de programmation. Après, je pense malgré tout que comme toute nouveauté, un temps d’adaptation est nécessaire avant d’ancrer cette nouveauté dans le quotidien. »

Airbus - Pop Up

Peut-être peut-on supposer que les trains autonomes seront dans un premier temps affectés au transport de marchandises…Mais ce qui rend l’avenir du train autonome somme toute incertain c’est qu’il se confronte à une concurrence de taille dans l’industrie des transports. Que penser des trains autonomes alors que l’Hyperloop d’Elon Musk, dont la vitesse est estimée à 1100 km/h promet de relier Paris à Marseille en une trentaine de minutes ? Reste à savoir si les 2 modèles cohabiteront ou si la technologie de l’Hyperloop rendra obsolète l’autonomie des trains.  Airbus d’ailleurs semble aller dans la même direction que l’Hyperloop. Son nouveau projet pop-up utilise des capsules compatibles avec l’Hyperloop et construit des modes de transport polymodal : aérien et terrestre. L’heure du transport monomodal ne sera peut-être plus dans quelques années.

 
«Lorsque des piétons peuvent accéder aux voies, ne pas prévoir une personne en cabine de conduite est délicat. Seul un conducteur humain peut faire la différence entre un choc avec un animal sauvage et un drame humain.» 
Anne Froger

Anne Froger

Bombardier

 

 En tout cas, l’autonomisation de la conduite relance le débat sur le rôle futur des conducteurs. De ce côté, Guillaume Peppy l’assure, les conducteurs auront toujours un rôle à jouer : « Le premier enjeu, c'est d'augmenter la capacité des lignes et pas de se passer des conducteurs. » Anne Froger, directrice de la communication pour la France et le Benelux du groupe canadien Bombardier, insiste sur ce point : l’intelligence humaine et la sensibilité humaine ne saurait être mise de côté et seront là pour assurer les situations. Laurent Fortune peut en témoigner : l’automatisation des lignes 1 et 14 n’a pas supprimé d’emplois. Les conducteurs ont soit été promus dans un rôle de superviseur soit transférés sur d’autres sites où la conduite reste nécessaire : « Il y aura toujours des hommes autour du train » assure-t-il. Yoni Abittan notre expert et docteur de l’Atelier BNP Paribas partage cette vision : «  La valeur de l’IA repose sur l’interaction homme-machine. La machine sans l’humain, ou un chatbot comme Alexa qui va être smart a besoin d’ingurgiter des volumes de données qui vont être transmis par l’humain. Ceux qui pensent que l’IA est synonyme de perte d’emplois, ceux-là se trompent. »

 

En attendant, les défis à relever sont nombreux avant qu’un train autonome soit nommé désir.

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