Thalès présent des nanoneurones pour l'intelligence artificielle
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Des nanoneurones pour doper l'intelligence artificielle
Une chercheuse du groupe Thales a réussi à faire accomplir une tâche cognitive par un réseau de nanoneurones artificiels. Les prémices d'une nouvelle ère de l'électronique ? En matière d'é...
Cette problématique - la recherche d'une plus grande sobriété énergétique en matière de calcul - est au coeur des recherches menées par le groupe Thales dans le domaine de l'intelligence artificielle, qui viennent de donner lieu à un article remarqué dans la revue « Nature » sur les nanoneurones .
Une grande partie du problème vient de la configuration même de nos ordinateurs, qu'il s'agisse de SoC, de supercalculateurs ou de nos classiques PC. Deux blocs spatialement distincts se font face : celui correspondant à la mémoire du disque dur et celui correspondant au traitement (la mémoire de travail), éloignés dans les circuits de la machine de quelques millimètres, voire quelques centimètres. « Ce qui, à l'échelle d'un processeur, est énorme », commente Julie Grollier , directrice de recherche à l'unité mixte CNRS-Thales et principale auteure de l'étude sur les nanoneurones parue dans « Nature ».
« C'est un peu comme si un cuisinier disposait d'une table avec les ingrédients (les données, c'est-à-dire la mémoire) d'un côté et d'une table avec les ustensiles de cuisine de l'autre, et que les deux tables étaient séparées par des milliers de kilomètres. » Faire transiter les données d'un bloc à l'autre le plus vite possible : voilà ce qui rend nos ordinateurs de toute sorte si gourmands en énergie - et ce d'autant plus qu'ils sont plus puissants. Mais cette course à la vitesse a des limites physiques, auxquelles l'électronique actuelle est en passe de toucher. Pour sortir de cette impasse, il faudrait que la composante de base de l'électronique, le transistor, soit lui-même doté d'une mémoire. Mais il n'en est rien : un transistor isolé n'est rien d'autre qu'un simple interrupteur. Rien à voir avec un neurone biologique, alimenté en données par ses synapses, qui le relient aux autres ( dans le cerveau, chacun de nos 100 milliards de neurones dispose en moyenne de 10.000 synapses, soit 10.000 connexions !).
Il est bien sûr possible de construire quelque chose qui ressemble à un neurone artificiel, c'est-à-dire qui ait une mémoire, avec des transistors. Mais il faut alors en assembler beaucoup, et l'on se heurte alors à un problème de taille : un ensemble de transistors suffisamment complexe pour prétendre au titre de neurone artificiel s'étend, au mieux, sur une centaine de microns. « Pour doter de cette façon une machine d'autant de neurones artificiels que nous avons de neurones biologiques dans le cerveau, il faudrait construire une galette de silicium de trente mètres de diamètre », a calculé Julie Grollier.
Les transistors sur lesquels a été construite toute l'électronique actuelle ne sont donc pas la bonne piste pour aller vers le neurone artificiel. La chercheuse de Thales et son équipe ont choisi d'en explorer une autre : les oscillateurs magnétiques. A l'inverse des transistors isolés, ces minuscules cylindres magnétiques de 100 nanomètres - et demain peut-être 10 - de diamètre ont en eux-mêmes une mémoire.
Ces « nanoneurones » magnétiques sont issus des travaux en matière d'électronique de spin (ou spintronique) du prix Nobel de physique Albert Fert, qui a son bureau au centre Palaiseau de Thales. Julie Grollier les a testés. Plus précisément, elle a cherché à savoir si un réseau de tels nanoneurones était capable d'accomplir une tâche cognitive complexe, du type de celle que doit pouvoir effectuer une machine pour relever de l'intelligence artificielle. La tâche cognitive en question consistait à reconnaître un chiffre de 0 à 9 prononcé par divers interlocuteurs. Ce qui a l'air plutôt bébête dit comme ça, mais n'en constitue pas moins une première mondiale, ce qui explique que l'expérience ait intéressé une revue aussi prestigieuse que « Nature ».
Expérience faite, le réseau de nanoneurones de Julie Grollier reconnaît les chiffres prononcés avec un score de 99,6 %. « La prochaine étape, confie-t-elle, sera d'assembler des réseaux de nanoneurones de plus en plus grands, et, in fine, de fabriquer une puce capable de reconnaître des signaux complexes et d'apprendre en temps réel de ses erreurs » - en d'autres termes, et pour reprendre sa propre métaphore, de construire enfin une cuisine fonctionnelle où la table des ingrédients et celle des ustensiles ne soient pas séparées par l'étendue d'un océan…
Quel sera le gain en termes de consommation d'énergie de cette puce basse consommation et néanmoins intelligente ? « Nous visons une division par un facteur 10, voire 100 », lâche la jeune chercheuse, qui a encore assez d'années de travail devant elle pour voir émerger cette électronique du troisième type.
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