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L'innovation au service du climat

13 Décembre 2017, 18:51pm

Publié par Grégory SANT

L'innovation au service du climat
Bill Gates, cofondateur Bill Melinda Gates Foundation lors d'un déjeuner l'Elysée One Planet Summit Paris.
En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0301007776645-bill-gates-comment-linnovation-peut-limiter-le-rechauffement-climatique-2137764.php#jc58j8P12vV9OJTq.99Présent à Paris pour le sommet sur le climat, le fondateur de la Bill et Melinda Gates Foundation annonce dans une interview aux Echos que cette organisation va investir plus de 300 millions de dollars pour aider les fermiers pauvres à s'adapter aux changements climatiques.

Participant au  « One Planet Summit » organisé par la France , Bill Gates salue également l'entrée de nouveaux membres dans la « Breakthrough Energy Coalition », qui finance la science et l'innovation de rupture dans les énergies vertes.

 
La lutte contre le réchauffement climatique est-elle devenue votre nouvelle croisade ?

Nous avons lancé la « Breakthrough Energy Coalition » il y a deux ans. L'idée était de réunir un groupe d'investisseurs qui cherchaient à avoir un impact sur le changement climatique et voulaient s'assurer qu'il y aurait le financement nécessaire. Beaucoup venaient de la Silicon Valley mais pas tous : il y avait aussi Jack Ma, Masayoshi Son et bien d'autres.

L'innovation dans le domaine de l'énergie prend beaucoup plus de temps et de capital que dans d'autres secteurs, comme l'informatique, par exemple. Nous avons depuis embauché une équipe et rassemblé des investisseurs qui ont identifié les secteurs dans lesquels nous allons travailler. Il y en a finalement cinq qui sont le stockage d'énergie à l'échelle du réseau, les carburants liquides, les micro-réseaux électriques pour l'Inde et l'Afrique, les matériaux de construction alternatifs et la géothermie.

Je suis très content que les promesses faites lors de la Cop 21 de Paris puissent être ainsi améliorées grâce à l'innovation. Nous allons commencer nos premiers investissements dès le début de l'année prochaine dans le stockage d'énergie par la chaleur.

 
 
Allez-vous faire venir de nouveaux partenaires financiers ?

Nous n'annonçons pas de nouveaux investisseurs mais la coalition s'accroît et accueille de nouveaux membres comme Virgin, SAP, Total, Engie, BNP Paribas. En 2016, nous avons créé un fonds, Breakthrough Energy Ventures, désormais doté d'un milliard de dollars, dont l'objectif est le financement de découvertes fondamentales pour distribuer de l'énergie fiable et à bon marché avec des émissions de gaz à effet de serre proches de zéro. Lorsqu'un projet commence à ressembler à quelque chose, il faut des usines pilotes pour le tester et changer d'échelle.

Il existe beaucoup de recherche publique sur ces sujets. Ce que nous voulons, c'est pousser à la création de nouvelles entreprises avec lesquelles les grands acteurs s'associeront pour développer des infrastructures qui vont nécessiter des milliards de dollars. L'intérêt de ce fonds, c'est de donner un horizon de long terme aux projets que nous soutenons : nous ne visons pas un horizon de 3 à 5 ans mais plutôt de 15 à 20 ans.

 
Croyez-vous possible de ralentir le réchauffement climatique ou est-ce déjà trop tard ?

La planète s'est réchauffée d'un degré Celsius depuis le début de l'ère industrielle. Au cours des vingt-cinq prochaines années, la température de la mer va gagner encore un demi degré Celsius simplement à cause de nos émissions. C'est pourquoi on a besoin d'innovations fortes dans le domaine de l'énergie mais aussi d'aide à l'adaptation à ces changements.

La Bill et Melinda Gates Foundation va ainsi investir 300 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour financer la recherche agricole qui aidera les fermiers les plus pauvres à s'adapter au changement des conditions climatiques. Cela concerne notamment la gestion, la protection et l'amélioration des cultures.

Le réchauffement climatique va se poursuivre. Si nous faisons beaucoup de découvertes et que nous les déployons très rapidement, il sera possible de limiter le réchauffement à 1,5 degré de plus, pas de le stopper. Mais sans innovation, le réchauffement pourrait atteindre 3 degrés. C'est là l'enjeu de notre combat pour l'innovation.

 
Est-ce que c'est du temps gagné, de la vitesse que vous apportez ?

Très peu d'investisseurs prennent de gros risques dans les énergies vertes pour favoriser des découvertes fondamentales. Car à la différence des technologies de l'information, le succès est plus limité. Il faut donc une approche différente. Nous soutenons des chercheurs qui travaillent avec des universités, souvent avec des programmes de recherche publique et qui créent des entreprises qui n'auraient jamais vu le jour sans le capital que nous leur apportons.

 
Avez-vous le sentiment de mener un combat contre ceux qui ne croient pas au changement climatique comme le président Trump ?

Il y a effectivement des gens qui ne croient pas au réchauffement ou qui pensent que le problème est facile à résoudre. Je pense au contraire que c'est un défi extrêmement important pour la planète et très difficile à relever et beaucoup de gens dans le monde pensent la même chose : dans le fonds Breakthrough Energy Ventures, il y a des Japonais, des Indiens, des Français, des Européens, des Américains...

Le défi du réchauffement climatique est que nous devons avancer extrêmement vite tout de suite pour minimiser son impact négatif, notamment sur l'agriculture dans des zones comme l'Afrique où les exploitants, contrairement à ceux du Nord, n'ont pas de stock et ne peuvent pas encaisser le choc d'une mauvaise récolte d'une année sur l'autre. Avec les conséquences immédiates que l'on connaît : malnutrition voire famine.

 
Faut-il fixer un prix au carbone ?

C'est clairement une tactique intéressante pour encourager les mutations et permettre aux nouvelles technologies de prendre leur essor et de changer d'échelle. Mais attention : un pays développé peut se permettre d'appliquer une taxe carbone relativement élevée. En revanche, ce n'est pas le cas de l'Inde, par exemple, où les besoins d'électrification de l'économie sont tellement énormes qu'une telle taxe ne pourrait être que très faible. Dans les pays qui sont en phase d'équipement, ce n'est pas une option viable comme cela peut l'être dans les pays occidentaux. L'Inde va devoir multiplier par six ses capacités de production d'énergie pour atteindre un niveau correct, la Chine par deux.

 
Qu'attendez-vous d'Emmanuel Macron ?

Il comprend l'importance de l'innovation dans la lutte contre le réchauffement climatique. La France tire ses partenaires européens sur ces sujets, notamment sur la modernisation de l'agriculture en Afrique. Emmanuel Macron est un président énergique et j'ai eu de très bons échanges avec lui.

Vidéo - One Planet Summit, un sommet à Paris pour accélérer les financements climat
 
 
 

En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0301007776645-bill-gates-comment-linnovation-peut-limiter-le-rechauffement-climatique-2137764.php#jc58j8P12vV9OJTq.99
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