Elizabeth LERICHE : tendanceur
Et si l’objet était l’occasion de rencontrer l’autre ? S’il était le résultat de cette rencontre ? La transcendance du choc culturel. C’est ce que propose Elizabeth Leriche, tendanceur, directrice du bureau de tendances éponyme et membre de l’Observatoire MAISON&OBJET. Elle propose cette année le concept de Transcultures. Pour elle, l’objet est avant tout humain, produit d’une histoire riche et sentimentale. Elizabeth Leriche, ou comment le design défie le temps, l’espace et les différences. Parce que le design peut aussi être porteur d’une utopie.
Avant de vous interroger sur la définition du métier de tendanceur, il faudrait peut-être vous demander si vous aimez ce terme ?
Non. De toute façon, c’est un drôle de métier. Moi, je ne savais même pas que je faisais un vrai métier.
Comment y êtes-vous venue ?
J’ai fait création textile. Au début, j’ai dessiné des maquettes de textiles, et après j’ai fait l’école du Louvre, histoire de l’art. Je suis rentrée comme stagiaire chez NellyRodi, bureau de style, et j’ai appris mon métier sur le tas. Je me suis dit que ça me plaisait bien, je suis parti, je me suis mise à mon compte. Ça fait dix-huit ans.
Comment définiriez-vous cette profession : tendanceur ?
Je dis toujours, c’est respirer l’air du temps. Moi, je fonctionne à l’instinct. François Bernard, je le connais (voir par ailleurs), nous avons travaillé dix ans ensemble, il intellectualise beaucoup plus. Moi je ressens les choses. Les tendances, c’est avant tout une histoire de cycles et de répétitions. Quand il y a une vague autour du noir ou du blanc, on sait qu’il va y avoir un retour de la couleur. Quand un style est plébiscité, après il y aura son contraire. C’est cyclique, comme la mode.
On parle souvent de renaissance d’un style et jamais de naissance, qu’en pensez-vous
Moi je dis que c’est des nouvelles naissances, parce que ce n’est jamais pareil. Par exemple, le vintage est à la mode, mais on recherche alors des pièces authentiques. Par contre, on peut s’inspirer du vintage pour recréer un nouveau style. Notre travail, c’est de trouver pour MAISON&OBJET les tendances maison. Et on se projette un peu dans le futur. Pour ce salon, on a choisi « cohabiter ». C’est très dur de cohabiter.
Justement, comment peut-on cohabiter alors que l’air du temps est à l’individualisme
Il va falloir que ça change. Nous ne sommes pas là pour donner des leçons de moral, mais on se projette et on se dit que ce qui est intéressant c’est de regarder comment vivre ensemble. Chacun à sa vision. Moi, ma vision, c’est transcultures, c’est à dire comment le design et l’artisanat peuvent cohabiter. C’est une histoire de rencontres. Des designers qui font travailler des artisans dans le monde entier. Donc, ce sont des cultures qui se rencontrent. Par exemple, Konstantin Grcic, designer allemand, a fait faire sa chaise en bambou par un maître bambou taïwanais, qui est un vieux monsieur avec un vrai savoir-faire. La finalité, c’est un objet contemporain qui a de l’esprit, qui a une histoire. Moi, je dis toujours que mon boulot c’est de raconter des histoires et de faire rêver les gens. Je chine en fait. Je vais trouver des objets, je les associe et je crée ma propre histoire. Mais je ne crée rien du tout.
Mais cette association est une sorte de création ?
Oui, mais je ne fais que mettre en valeur des gens qui créent des choses. J’ai un regard qui est guidé par mon instinct. Je n’ai pas le budget pour me payer des études sociologiques, alors je lis, je voyage, je m’inspire de l’art contemporain. C’est un regard constant sur le monde qui fait qu’on peut tirer des conclusions. Les sociétés qui changent, les familles qui se reconstituent, la nourriture, il faut regarder tous les domaines. Et d’une petite chose, on peut en faire une grande.
Je vous retourne la question posée par Philippe Starck et qui est au cœur de MAISON&OBJET : que nous manque-t-il ?
Le dépouillement.
Source : blog.maison-objet.com