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Humour, élément de design

23 Mars 2013, 17:39pm

Publié par Grégory SANT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les temps sont plutôt sages. Entre épure généralisée, réédition de mobiliers et capitalisation sur les valeurs sûres, le design se prête à moins de folies et de décalages. L'humour n'a pas toujours sa place. Benjamin Girard a eu envie de le réhabiliter en lui consacrant, à l'occasion de la Biennale internationale de design de Saint-Etienne, une exposition baptisée « Vous voulez rire ? ».

 

« Le design devient de plus en plus sérieux. Il aime à théoriser, à se rapprocher de l'art. Il existe une crainte de dévaloriser son travail, s'il est teinté d'humour. Or ce dernier permet d'impulser une autre émotion aux objets », estime le commissaire de la manifestation. Pour la scénographie, il a fait appel aux 5.5 Designers. Il fallait bien ce quatuor au regard acéré sur notre quotidien, auteur notamment pour LaCie des fameuses clefs USB en forme de… clefs, pour porter un tel sujet. Et pour mettre un grain de sel un peu détonnant dans le lieu choisi : l'église Saint-Pierre de Firminy que l'on doit à Le Corbusier.

L'exposition offre de se promener à travers des meubles et objets ludiques, potaches ou poétiques, y compris des prototypes intrigants à l'instar des étagères Zweisamkeit dues à deux étudiants de la Köln International School of Design. Leurs montants sont constitués de haches à planter dans le mur. « L'humour peut être un bon exhausteur de fonction. Il permet d'amplifier un message et n'est pas synonyme de gadget et de futilité », souligne Benjamin Girard. Il raconte aussi notre société, comme le fait le nichoir pour oiseaux de Donkey, dénommé Big Brother, en forme de caméra de surveillance. Ou iTypewriter d'Austin Yang, un clavier mécanique pour iPad, encore au stade de prototype. Et la manifestation va donner de quoi garder le moral un bon moment, puisqu'elle se prolonge bien au-delà de la Biennale, jusqu'au 31 août.

L'humour qui venait du froid

Dans l'univers des objets, que ce soit dans l'exposition qui se plonge dans la production des dernières années ou, au-delà, dans les nouveaux projets des fabricants, qui est le plus adepte du clin d'oeil ? A quelques exceptions près, les designers français sont souvent plus frileux que leurs homologues, en particulier du nord de l'Europe. Le trio suédois de Front Design s'en donne à coeur joie, notamment avec le vase Blow Away pour Moooi, sur lequel semble avoir soufflé une bourrasque. Même discours ébouriffant chez le collectif néerlandais Droog Design. Plus au sud et côté éditeur, Alessi a fait des objets culinaires drôles et colorés l'une de ses marques de fabrique. En France, la marque Branex a, elle, lancé l'an dernier la table Marguerite d'Eric Berthès, qui évoque un pis de vache.

Les maisons bien installées osent parfois jouer avec leur tradition. Thonet n'a pas hésité à proposer la chaise 214K, déclinaison de son modèle fétiche. L'un des pieds est remplacé par un gros noeud surprenant. Une allusion à son savoir-faire reposant sur le travail du bois courbé. Et une manière de trouver une place dans d'autres intérieurs.

L'une des pistes de l'humour, c'est aussi l'absurde, ce qui nous fait douter du monde, à la manière d'un Raymond Devos. La lampe Phantomenal III de Gvesner semble en lévitation. La toute nouvelle ligne The Hidden Chairs d'Ibride réinterprète des icônes de l'histoire des assises et trouble nos repères. Selon la façon dont on les regarde, on pense voir une chaise relativement classique ou un meuble totalement déstructuré.

Car le regard décapant porte aussi sur le monde même du design. A l'image du PresseCitron de Star des 5.5 Designers posant le traditionnel instrument en verre sur trois pieds, référence amusée à Juicy Salif, le presse-agrume signé Starck pour Alessi. Ou du gaufrier Sapore dei Mobili de Ryosuke Fukusada et Rui Pereira, un prototype pour fabriquer des gâteaux en forme de chaise ou de buffet et épingler la boulimie de l'industrie à proposer une profusion telle de nouveaux meubles que le public ne pourra pas les absorber. Humour bien ordonné commence aussi par soi-même.

Clotilde Briard pour lesechos.fr
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