Sommes déjà dans la 4ème Révolution Industrielle ?
L’additive manufacturing (AM), ou impression 3D est un marché mondial en pleine expansion. Annoncée comme la quatrième révolution industrielle, elle impacte déjà fortement les modes de production et le rapport entre producteur et consommateur. Le phénomène 3D fait bouger les lignes et c’est aussi toute l’entreprise qui reste à (ré)inventer ! Entre révolution technologique et changement organisationnel, petit tour de piste...
L'idée de n'utiliser ni outillages ni moules pour façonner une pièce est passionnante. La première fois que j'ai vu un objet prendre forme à partir d'un fichier numérique, sans perte de matière, sans programmation humaine fut une révélation : nous pouvions aller directement de l'idée à l'objet. Fini la nécessité de comprendre les contraintes des technologies pour concevoir un objet. Il suffit de créer numériquement un objet, plus ou moins complexe, en fonction de son utilisation sans se soucier des contraintes des technologies traditionnelles et l'objet prend forme comme par magie grâce aux imprimantes 3D.
AM : Tout est possible à condition de l'accepter
Contrairement à ce que les médias nous font croire, à iso design, une pièce fabriquée par AM a toutes les chances d'être plus chère que la même pièce réalisée par une technologie conventionnelle. Est-ce que l'AM sera cantonnée aux chercheurs, aux technologues et autres geeks ? Non, l'AM fait son entrée dans l'Industrie.
Ainsi, General Electric fabrique des pièces métalliques en AM qui voleront prochainement, et acquiert à coup de milliards de dollars des sociétés fabriquant des imprimantes pour les déployer à ses autres secteurs, notamment l'énergie. Thales a créé une société pour fabriquer des pièces pour le spatial. Michelin utilise l'AM pour ses propres besoins et a lancé avec Fives une co-entreprise pour répondre à ce marché en forte croissance...
Une utilisation de plus en plus massive de l'AM induira une baisse des coûts liée à la baisse de prix des équipements, des matières premières. Pour assurer l'essor de l'AM, il faut reconcevoir les produits, intégrer les contraintes de nos clients dans les designs, se libérer des contraintes induites par les technologies actuelles, concevoir avec des formes organiques qui minimise la quantité de matière pour une résistance mécanique ou vibratoire (par exemple) optimum, simplifier la gamme de fabrication, fusionner plusieurs pièces en une pour intégrer de nouvelles fonctionnalités dans les pièces et induire des gains de montage et de coût au global.
Si revoir les process est nécessaire, ce n'est pas suffisant, il faut également revisiter l'organisation même de l'entreprise et former le personnel à cette nouvelle technologie.
Des business model à réinventer
L'un des avantages forts de l'AM est le time-to-market. Là où il faut des mois pour sortir un nouveau produit céramique en technologie conventionnelle, seules quelques semaines suffisent en AM. L'entreprise devient plus réactive, plus flexible.
Les schémas de décision au sein de l'entreprise devront être repensés pour ne pas voir l'AM comme uniquement une technologie de prototype ou considérées comme une menace pour la ou les chaînes de fabrication existantes. L'AM n'est pas une techno de substitution et doit cohabiter avec les technos traditionnelles. L'AM est une opportunité pour gagner des parts de marché. Elle crée les conditions pour innover techniquement, innover dans la supply chain, innover en partageant numériquement plus avec ses clients, ses fournisseurs. L'AM, technologie numérique par essence le permet. Il faut créer l'environnement nécessaire pour la sublimer en inventant de nouveaux business model.
Comment mener ce changement ?
Lors de tout nouveau changement, il y a des freins. Changer n'est jamais naturel, il faut se réinventer, se mettre dans une zone d'inconfort pour recréer, se régénérer. Les freins sont les humains, qui par manque de formation, qui par habitude, qui par peur de voir leur outil de travail actuel, qui par peur de ne pas savoir diriger cette nouvelle entreprise vont hésiter à s'engager sur cette voie du changement.
Le dirigeant doit être convaincu qu'il doit adjoindre cette compétence numérique à l'entreprise. Cela veut dire pour nombre de PME, qu'elles doivent intégrer de nouvelles compétences et mettre en place des cellules AM sous forme de task force regroupant techniciens, commerciaux, logisticiens, qualiticiens..., permettant de tester l'AM, d'en voir l'intérêt pour leur entreprise et qui non seulement pourront, devront créer de nouveaux produits, mais seront le germe de la nouvelle organisation qui se déploiera au sein de l'entreprise.
Et la céramique dans tout ça ?
Nombre de céramistes restent peu convaincus de cette nouvelle technologie, pensant à tort qu'elle ne correspond pas à leurs besoins. Certes, l'AM demeure une technique naissante comme le fut au début du 20e siècle l'avion. On n'en comprenait pas l'utilité, elle n'intéressait que certains illuminés. On n'y croyait pas, quel intérêt aurions-nous à nous déplacer de cette manière alors que le train, le bateau étaient des moyens de locomotion établis et sûrs. L'histoire a écrit la suite...
Et comme rien n'est permanent, sauf le changement, l'impression 3D céramique trace les contours d'une révolution qui n'en est qu'à ses débuts. Quelques acteurs visionnaires proposent une ligne de fabrication et de services permettant le coût d'après... qui commence maintenant.
Source : lesechos.fr