Le design : moteur de croissance pour les entreprises
En France, les préjugés sur le design ont encore la vie dure. Au pis, un « art » réservé à l'automobile ou aux PME du luxe. Au mieux, une discipline cantonnée à la finition des produits. « Cela ne concerne pourtant que 20 % du design et néglige l'essentiel, c'est-à-dire l'observation des usages. Ce qui en fait un levier puissant pour nourrir le processus d'innovation notamment dans les PME», s'agace Ludovic Noël, directeur de la Cité du design de Saint-Etienne. Malgré cette confusion entre style et design qui persiste, les choses évoluent. Une étude de l'Association pour la promotion de la création industrielle (APCI), réalisée à la demande de Bercy en 2010, indiquait que 40 % des PME interrogées avaient recours au design. Un taux toutefois inférieur au nord de l'Europe. Quant à mesurer l'impact du design, « les études montrent que les entreprises utilisant le design voient leur chiffre d'affaires et la satisfaction client progresser », souligne Anne-Marie Boutin, présidente de l'APCI.
D'autant que, désormais, l'offre des professionnels est abondante et bien formée, avec 1.500 designers qui sortent chaque année, avec un diplôme bac +5 en poche. Des designers qui ont cette capacité, grâce à des méthodes d'observation des comportements, à remettre le consommateur, l'usager ou l'utilisateur au centre du jeu. Chez Thales, primé d'un janus de la prospective pour son projet de cockpit du futur Odicis, on est très satisfait de l'apport du design. « Il nous parle de l'homme dans sa globalité et nous a aidés à avoir un regard moins technique », résume Denis Bonnet, responsable du département innovation cockpit de la division Avionique. Les designers sont, par ailleurs, formés pour donner corps aux idées et aux concepts. Quand l'ingénieur se penche sur des cahiers des charges et répond à coup de spécifications, le designer propose rapidement un dessin ou une maquette.
Influence
Les étoiles remises par l'observeur du design de l'APCI ou bien les janus de l'industrie, un label décerné par l'Institut français du design, constituent de bons marqueurs de l'extension de l'influence du design. Tous les secteurs sans exception depuis la santé, en passant par la mécanique ou le sport sont concernés. Le groupe Oxylane (les magasins Décathlon) étant l'un de ceux ayant poussé le plus loin l'intégration du design dans le processus d'innovation avec quelque 130 designers et le lancement de 2.000 à 3.000 nouveaux produits par an. Quant au groupe Legrand, le design, jadis intégré dans les divisions opérationnelles, est désormais rattaché à la direction de la stratégie. Des PME se distinguent aussi. Qu'il s'agisse de LaCie, le concepteur de petits périphériques de stockage, de Leborgne fabricant d'outils à main, filiale de Fiskars ou encore de Bic Sport qui, après l'essoufflement de la planche à voile, a largement fait appel au design pour relancer une activité dans le nautisme.
Crédibilité
Sur le terrain, les régions ont aussi compris l'impact du design. A travers une entité spécialisée Prospective Design, le Conseil régional d'Aquitaine aide les entreprises en finançant la majeure partie de la prestation du designer. De même, en Rhône-Alpes, la Cité du design a mis au point une panoplie très complète d'outils. Cela commence par de simples « cinq à sept » pour favoriser rencontres entre PME et designers, jusqu'à des méthodologies spécifiques pour accompagner les entreprises. La Cité du design parvient ainsi à sensibiliser plus de 500 entreprises par an et à en accompagner une cinquantaine. Il faut sans doute aller plus loin pour rendre les entreprises autonomes : définir sa stratégie, savoir choisir un designer… Plusieurs associations professionnelles de designers et l'APCI poussent ainsi pour donner au design un statut dans le domaine de l'innovation afin de le rendre éligible au crédit d'impôt recherche.