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Fabriquez vous même

25 Juin 2009, 21:09pm

Publié par Grégory SANT

Structurée autour du Do it yourself (Faites le vous-mêmes !) et du Green design (cette conception écologique qui se veut soutenable dans sa nature même), la principale question posée au cours de Lift France 2009 fut de savoir jusqu’où les concepts couramment utilisés dans le monde du web (participation, open source, réplication infinie des informations, etc.) pouvaient quitter les écrans d’ordinateurs pour envahir le monde physique.

Passer de la conception industrielle à la conception personnelle

A ce titre, l’idée de fabrication personnelle constitue un point fondamental. Est-il possible de devenir l’artisan des objets de son quotidien, d’échapper à la logique économique et la façon que la conception industrielle a de niveler la pensée par l’industrialisation de la fabrication ? Cette question a occupé tout une session de Lift with Fing.

Mike Kuniavsky, designer et créateur de Thing M, a cherché à remettre les tendances actuelles dans une perspective historique. Se basant sur les idées de Lawrence Lessig (voir ses propos sur le sujet à Ted), il a divisé les types de culture entre celles qui se lisent et s’écrivent (read/write) et celles qui se lisent seulement (read-only), notre société industrielle étant en réalité le seul exemple du second modèle. Ainsi, jusqu’à l’invention de la musique enregistrée, la capacité de jouer d’un instrument était beaucoup plus répandue qu’elle ne l’a été par la suite, après l’avènement du disque. Celui-ci s’est de plus révélé être un frein à l’innovation culturelle. Avant sa généralisation, les gens jouaient leurs compositions favorites en introduisant des variations qui, si elles se révélaient populaires, pénétraient dans la sphère culturelle globale et assuraient la richesse de la créativité musicale.

Mike Kuniavsky de Thing M sur la scène de Lift par Frank Kresin
Image : Mike Kuniavsky de Thing M sur la scène de Lift par Frank Kresin.

Un exemple particulièrement significatif de la culture read/write est la publication par Thomas Chippendale, à l’aube de la révolution industrielle, d’un manuel d’instructions sur la fabrication d’un mobilier convenant au standing des membres de la classe supérieure britannique. Naturellement, bon nombre de ses modèles furent copiés, non à l’identique mais avec une multitude de personnalisations imaginées par les artisans qui s’inspirèrent de ses travaux. Certes, de tels meubles étaient d’un coût élevé. Avec l’arrivée de la révolution industrielle, les prix se sont effondrés, amenant à une démocratisation de produits jusque-là inaccessibles à la majeure partie de la population. Mais cela a eu un prix : la disparition de la “variété”. Pour changer un modèle de meuble désormais, il faut entièrement repenser la chaine de fabrication, ce qui est compliqué et onéreux.

Toujours selon Lessig, nous rappelle Kuniavsky, notre civilisation numérique est entrée à nouveau dans une phase read/write. Kuniavsky date de 1985 la naissance de cette nouvelle culture, avec l’apparition de l’imprimante laser et le développement de la publication assistée par ordinateur qui s’en est suivi. Par la suite, d’autres appareils qui restaient jusqu’ici l’apanage de grosses sociétés sont devenus accessibles aux bourses les plus modestes.

Quels sont les outils permettant de passer à ce stade d’autofabricateur ? Au premier rang, bien sûr les fablabs et les imprimantes 3D, dont Reprap est peut être la plus impressionnante, puisqu’elle est capable de se cloner en construisant… d’autres Repraps.

Mais posséder les outils de fabrication n’est pas le seul obstacle. Encore faut-il savoir quoi fabriquer : le talent ne se réplique pas aussi facilement ! Une première solution consiste à utiliser un clip art, un modèle, via une base de données comme celle de Thingiverse. Un autre moyen serait d’employer des outils de modélisation spécifiques propres à ce nouveau type de fabrication. On en trouve plein aujourd’hui dans le monde numérique, par exemple des programmes pour construire ses propres avatars, ses paysages 3D, sans parler des multiples assistants qui vous bricolent des pages web en un clin d’oeil. Peut-on imaginer les mêmes processus entrant dans la fabrication des objets ?

Les vases 3D de François Brument et leurs souffleurs Un problème auquel s’est attaqué le designer François Brument avec son projet In-Flexions qu’il a présenté à Lift. Il propose des systèmes de création de formes adaptés à des non-professionnels. Par exemple, le design d’une chaise (voir le projet chair#71) se génère automatiquement à l’écran, et l’utilisateur peut stopper l’animation à tout moment pour introduire ses personnalisations, très simplement. On n’est pas loin d’une version automatisée des variations artisanales des modèles de Thomas Chippendale !

Brument a également conçu un étonnant système de création de vases 3D dont les formes sont générées par la modulation du son de la voix (voir le projet vase#44), un peu comme des souffleurs de verre modernes !


Par Rémi Sussan pour internetactu.net 

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